Rouleaux de printemps: que du bonheur!
Depuis plus de 50 ans, les rouleaux de printemps sont peut-être le mets chinois le plus connu et le plus populaire hors de Chine. Sous leur enveloppe dorée et croustillante, ils cachent une farce de légumes, viande et vermicelles de riz. Et ils portent bien leur nom car jadis, on s’en régalait uniquement au printemps. La tradition veut que si l’on mange ces porte-bonheur au Nouvel an chinois, on connaîtra une année prospère.
Au Nouvel an chinois, les plats portent chance
Un peu comme les festivités de Noël et du Nouvel an chez nous, la célébration du Nouvel an qui dure plusieurs jours est la fête la plus importante pour les Chinois. Dépendant du calendrier lunaire, sa date varie d’une année à l’autre mais tombe toujours entre le 21 janvier et le 20 février. La nature n’a pas encore retrouvé ses couleurs et les paysans peuvent pleinement profiter de la fête puisque l’hiver est finalement une période calme.
Les repas pour le jour et la soirée du Nouvel an sont préparés à l’avance, autant pour des raisons pratiques que traditionnelles, car utiliser un couteau ce jour-là est supposé porter malheur. Pour la nouvelle année, on se souhaite le meilleur, raison pour laquelle on prépare uniquement des plats qui apportent santé, prospérité et longue vie. Les rouleaux de printemps (ou plus exactement les pâtés impériaux ou nems) frits dans la graisse ressemblent d’ailleurs à des lingots d’or!
La farce: de la plus simple à la plus luxueuse
La farce toute simple se compose de carotte, chou blanc, pousses de haricot mungo, vermicelles et viande. Mais la province du Fujian, dans le sud du pays, connaît une version très sophistiquée. Ici le chou blanc s’accompagne de radis rouge, feuilles de soja séchées, petits pois frais, algues, germes de bambou d’hiver, champignons séchés, brème (dorade grise), tofu, crevettes et huîtres fraîches. Autrefois en Chine, on accompagnait ces rouleaux aromatiques uniquement de sauce soja, mais aujourd’hui on connaît ici comme ailleurs quantité d’autres sauces sucrées ou salées, du commerce ou faites maison.
Confectionner soi-même des rouleaux de printemps permet d’imaginer toutes sortes de farces. Même les amateurs de fromage y trouvent leur compte, par exemple avec des farces au camembert ou à la ricotta. Accompagnés de coulis de fruits, les rouleaux de printemps s’invitent aussi à l’heure du dessert.
Rouleaux de printemps: une collation appréciée au passé et au présent
Pour confectionner des rouleaux de printemps, spécialité du Nouvel an chinois, on n’hésitait pas à mettre la main à la pâte. Celle-ci était préparée à l’avance et les ingrédients de la farce coupés en morceaux égaux préalablement cuits ou poêlés. Pour la pâte, il y avait et il y a encore plusieurs possibilités. Une des recettes composée d’œuf, de farine, d’eau et de sel, ressemble à celle de notre pâte à crêpes. Il existe aussi une variante sans œuf.
Aujourd’hui, c’est beaucoup plus simple: les feuilles à base de farine de blé sont vendues congelées dans les épiceries asiatiques et celles à base de riz sont disponibles depuis longtemps aussi au rayon des produits asiatiques chez les grands distributeurs.
On connaît et apprécie également les recettes avec de la pâte à filo ou à strudel.
Le rouleau: variations sur un grand bourlingueur
Entre la Chine et l’Asie du Sud-Est existe depuis des siècles un échange de marchandises, de savoir et de recettes! Au Vietnam, on apprécie une variante plus légère. Le rouleau de printemps n’est pas frit. La feuille de pâte humidifiée à base de farine de riz cuite, est farcie d’une julienne de légumes crus ou cuits, d’herbes aromatiques comme la menthe et le basilic et de viande rôtie ou cuite dans un bouillon. Les crevettes parfois ajoutées donnent aussi un goût délicieux. Le rouleau est servi prêt à déguster ou est préparé à table par les convives. Un dip à base de nuoc mam (pendant vietnamien de la sauce soja), jus de citron vert, ail, sucre et piments fait partie du mets. En Asie, le rouleau est souvent plus petit qu’en Europe où il peut tenir lieu de plat principal.
Pendant la fête du printemps, parents et amis se rendent visite, le pays tout entier semble être en voyage. Les visiteurs sont d’abord accueillis avec du thé et de petits plats. Le thé est censé nettoyer le palais et stimuler l’appétit.
L’association de thé et de rouleaux de printemps est courante depuis longtemps. Sous la dynastie des Ch’ing (1644-1912), les maisons de thé commencèrent à proposer de petites collations, notamment des rouleaux de printemps. Losque sont apparus chez nous les premiers livres de cuisine chinoise, le mot «rouleau de printemps» ne disait rien à personne. C’est pourquoi une auteure asiatique vivant en Allemagne nomma sa recette en 1965 «Croquettes du Nouvel an, également appelées rouleaux de printemps». Dès la fin des années 70, on trouvait des rouleaux de printemps sur nos marchés. Ils sont d’ailleurs restés une collation qu’on adore déguster sur le pouce.
Texte: Alexandra M. Rückert
actualisé: 5 juin 2020
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