Bricelets: le fin du fin de la gourmandise
Rien n’est plus tentant que ce biscuit fin et fragile servi avec amour et dont la préparation demande beaucoup de patience. Traditionnellement associés à la fête dans la région de Fribourg, les bricelets sont les stars des Bénichons et font partie du menu. Mais ils sont aussi les complices des glaces et s’invitent avec d’autres douceurs à l’heure du café
Friable comme du bricelet
L’expression vaudoise «friable comme du bricelet!» reflète bien la qualité d’un bon bricelet qui doit être fin, croustillant et doré.
Le bricelet (son nom viendrait du bretzeli alémanique) fait partie de la famille des gaufres et des gaufrettes, comme les «Gottlieber Hüppen» (gaufrettes roulées et fourrées produites à Gottlieben) et les «bretzeli» de l’Emmental ou de Berne. Ces biscuits secs et minces sont cuits entre deux fers chauds.
Jusque vers la fin du 20e siècle, on confectionnait les bricelets au-dessus d’un feu ouvert. Les fers à bricelets électriques ont fait leur apparition il y a 80 ans. La production artisanale est également très ancienne. En France, des corporations de vendeurs d’oublies, simples biscuits fins et plats, s’organisent dès le 13e siècle.
Moines, nobles, paysannes aux fourneaux
Les documents écrits les plus anciens proviennent des cuisines des cloîtres, car le fer à bricelets est le pendant profane du fer à hosties religieux. Le premier fer à bricelets connu date du 11e siècle et vient de Saint-Gall. Longtemps resté un privilège de la noblesse et de la bourgeoisie dans le sud de l’Allemagne et la région des Alpes, le fer à gaufres et à bricelets connaît son âge d’or du 14e au 16e siècle.
La plupart des musées en Suisse possèdent des collections de fers à bricelets et à gaufres, dont certains datent du 16e siècle. La plus ancienne mention écrite de l’existence d’un fer à bricelets en Suisse romande est rapportée par le «Glossaire des Patois de la Suisse romande» en 1552: «Ung fer pour fere le bresie».
Un délice de kermesse
Dans le Pays de Fribourg, on attend chaque automne avec impatience la Bénichon, fête patronale qui célèbre chaque année la consécration de l’église. À Fribourg, elle coïncide avec la fête du saint auquel l’église est dédiée. Au cours des siècles, la Bénichon est devenue une grande fête populaire. Dans la région de Schwarzenburg et de Gruyère, les kermesses des armaillis et des montagnards ont remplacé la fête patronale.
Une part essentielle de la Bénichon est réservée à un copieux menu festif. À Fribourg, il se compose de cuchaule (pain au safran) tartinée de moutarde de Bénichon, soupe au chou, ragoût de mouton, jambon à l’os, pis de vache, saucisses, langue et lard, pommes de terre, chou et carottes, ragoût d’agneau aux raisins, purée de pommes de terre, poires à botzi (dont on fait aussi le vin cuit, jus de poires longuement réduit) et gruyère. Au dessert, on retrouve les meringues avec de la double crème de Gruyère, le pain d’anis et les bricelets.
Farine, beurre, sucre, amour et patience
Tandis qu’une hostie est composée simplement de farine et d’eau, la pâte à bricelets est beaucoup plus riche. Selon la recette, elle comporte de la farine, du beurre, du sel, des œufs, du sucre et de la crème. Dans le Pays de Fribourg, on utilise la célèbre double crème de Gruyère. L’addition de zeste de citron, cannelle ou eau de fleur d’oranger rehausse le goût. La pâte est coulante, mais encore épaisse ou encore si compacte que l’on peut la façonner en petites boules.
L’avantage du bricelet est qu’il existe en version sucrée et salée. Dans ce dernier cas, l’addition de fromage, vinaigre balsamique, paprika ou carvi donne de délicieux amuse-bouche servis à l’apéritif. Dans les livres de cuisine anciens, la farine est remplacée par des pommes de terre. On incorpore parfois des noisettes grillées et râpées, puis on laisse reposer la pâte un bon moment. Ensuite on chauffe le fer et l’enduit de beurre. Dans les recettes anciennes, le fer est graissé avec du saindoux, de la cire d’abeille ou un morceau de couenne.
Les bricelets encore chauds peuvent être roulés en cigares autour du manche d’une spatule ou formés en tuiles à la main. Si on les laisse plats, il faut les mettre à refroidir sur une planche ou une grille. Une fois refroidis, les bricelets sont conservés dans une boîte en fer-blanc hermétique afin de rester bien croustillants.
En comparant les recettes d’hier et d’aujourd'hui, on constate peu de changement. Chez nous, le bricelet maison n’est pas une friandise spéciale, réservée à certaines occasions, mais parce que quelqu’un a pris le temps de le confectionner avec amour et patience.
Décors traditionnels des fers à bricelets
Les fers à bricelets modernes sont heureusement beaucoup plus simples à manipuler. Par contre, les décors traditionnels n’ont guère changé depuis des siècles: edelweiss, Tell, Parlement, lion de Lucerne, Helvétia, ours de Berne, croix suisse ou simple motif. Les plaques sont décorées depuis des siècles: lignes géométriques, plantes, animaux, personnages, scènes de la Bible ou symboles.
Selon le décor, un fer ancien peut être attribué aussi à toute une famille ou à une personne, lorsqu’il comporte, par exemple, des armoiries, des initiales, un patronyme ou une année. Ces pièces uniques étaient des objets de prestige.
Gaufres et bricelets sont restés jusqu’au 20e siècle une friandise particulière, réservée à certaines couches sociales. On les confectionnait et les offrait à Noël et au nouvel an. Aujourd’hui encore, une boîte en fer-blanc remplie de bricelets croustillants est un cadeau gourmand toujours apprécié.
Jolies formes: cornets, cigares ou corbillons
Les bricelets encore chauds se laissent facilement former en cornets, en cigares ou en corbillons. Il est important de leur donner leur forme pendant qu’ils sont encore chauds. S’ils refroidissent trop, ils risquent de se briser. Astuce: glisser les bricelets brièvement au four pour pouvoir les former.
Tuiles
Déposer les bricelets encore chauds sur un rouleau à pâtisserie pour leur donner une forme de tuile.
Cigares
Enrouler les bricelets encore chauds autour du manche d’une spatule, laisser refroidir sur une grille.
Cornets
Rouler les bricelets encore chauds à l’aide d’une forme à corne t ou d’un moule à cornet, laisser refroidir sur une grille.
Si vous n’en avez pas: plier en deux 2 feuilles de papier cuisson superposées, dessiner un cercle (env. 21 cm Ø), découper. Vous obtenez 4 rondelles. Plier chaque rondelle en demi-cercle et rouler en cône. Fixer avec des trombones.
Corbillons
Déposer les bricelets encore chauds sur un verre retourné ou sur une tasse à expresso retournée, puis former des corbillons, laisser refroidir sur une grille.
Text: Alexandra M. Rückert Aktualisiert: 17. Oktober 2022