La pomme sur son trente-et-un
La pomme en habit est connue autant en Suisse qu’en France et en Allemagne. Une confortable robe de chambre est à l’origine de cette manière raffinée d’habiller les pommes et autres régals salés. Vu sous l’angle de la mode ou de la cuisine, l’essentiel est ce qui se cache à l’intérieur!
Mode ou cuisine: la tendance à suivre
Des hommes aussi célèbres que le roi Louis XIV ou l’auteur allemand Johann Wolfgang von Goethe possédaient une robe de chambre. Au petit lever, le roi recevait dans cette tenue sa famille, ses valets de chambre et ses ministres. Quant à Goethe, il adorait chez lui se glisser dans sa robe de chambre après s’être débarrassé de ses vêtements de ville poussiéreux.
En famille ou pour recevoir, la robe de chambre longue et enveloppante faisait office de tenue d’intérieur. On ne s’en servait pas pour dormir à moins de s’être assoupi dans son fauteuil. La robe de chambre est certes passée de mode, mais en cuisine elle connaît aujourd’hui un regain de faveur!
Habit de pâte
L’habitude d’envelopper des victuailles dans de la pâte ne date pas d’hier. Car sous cette forme, de nombreux mets étaient plus faciles à transporter, notamment les repas pris sur le lieu de travail. Pâtés, pies ou chaussons sont parmi les exemples les plus connus.
En l’absence de recettes très anciennes, on ignore la date exacte à laquelle la première pomme fut habillée d’un manteau de pâte. Par contre, on sait que très tôt on trempait des morceaux de pomme dans de la pâte pour en faire des beignets ou que l’on faisait cuire des pommes entières à la broche ou au four.
Mais jusqu’à l’apparition des pâtes toutes prêtes et du réfrigérateur, la réalisation du «manteau» actuel en pâte feuilletée devait certainement demander beaucoup de temps.
Robe de chambre à la mode allemande
Le classique des livres de cuisine rédigé par Henriette Davidis (1844) propose la recette suivante: arroser d’arak (alcool très fort) la pomme pelée et épépinée, la saupoudrer de sucre et de cannelle et laisser reposer quelques heures. La poser ensuite au centre d’une fine abaisse de pâte feuilletée (à base de farine, beurre, sucre, cognac et eau) et la garnir de compote de groseilles rouges, macarons ou amandes, raisins de Corinthe, sucre et zestes. Rassembler les quatre coins de pâte au milieu. Plonger la pomme en habit dans l’œuf battu, puis dans un mélange d’amandes pilées et de sucre, et faire cuire au four à chaleur moyenne. Les quantités ne sont pas indiquées, le reste (et le plus important!) est affaire de goût et d’expérience. 50 ans plus tard, le titre indique qu’il s’agit d’une pâte brisée, mais la recette elle-même parle d’une «pâte quelconque».
Recette: Pommes en chemise
Un classique aussi en Suisse
Les recettes suisses mentionnent comme ingrédient du kirsch (fin du 19e siècle), du vin blanc (1977), des noisettes (vers 1940) ou de la pâte d’amande.
Au sortir du four, la pomme est parfois poudrée de sucre glace. Les boulangers la font briller en la badigeonnant de confiture d’abricot mélangée à du sucre glace et de l’eau.
Depuis, les deux variétés de prédilection, reinette et boskoop, ne sont plus les seules à se glisser sous un manteau de pâte. Toutes les fantaisies sont permises: poires (ou «douillon» en France), courgettes, oranges, saucisses (dès 1700!) et jambonneau. Quant à la pâte, elle varie aussi: feuilletée, à gâteau, ou à pain.
En termes de mode ou de cuisine, l’essentiel dans l’histoire du manteau est que le contenu soit dévoilé au dernier moment!
Recette: Poire aux marrons en chemise
Vidéo: rissoles étoilées – c’est aussi simple que ça!
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Spécialités françaises
La pomme en habit est une des spécialités culinaires da la Normandie au nord de la France. Elle répond à différents noms locaux: bourdelot, rabotte, pomme en cage, bourdaine.
Le grand cuisinier Auguste Escoffier fait figurer la recette en 1903 dans son livre «Le guide culinaire»: Escoffier ne trempe pas la pomme en habit dans l’œuf battu, le sucre et les amandes, il ferme simplement le manteau de pâte avec une rondelle de pâte. La farce est aussi plus simple: beurre, sucre glace et calvados.
Cuisiner les pommes
Selon la variété, les pommes ont un goût très différent et se tiennent plus ou moins bien à la cuisson et au four. Les quelques observations que nous avons faites devraient vous aider à mieux choisir les pommes qui correspondent à vos préférences:
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Boskoop (1)
Cette variété ancienne a un goût acidulé et un parfum prononcé. À la cuisson et au four, elle ramollit vite et se défait. Mais c’est la pomme qu’il faut choisir si l’on aime les pommes en chemise fondantes à cœur. Elle fait également d’excellentes compotes. -
Gala (2)
Sucrée et faiblement acidulée, cette pomme est originaire de Nouvelle-Zélande. Elle garde sa forme à la cuisson et au four, et ne se défait pas. Les enfants l’adorent car elle est peu acide. Convient pour les gâteaux, strudels, compotes et tartes. -
Braeburn (3)
Cette variété croquante et relativement nouvelle est originaire de Nouvelle-Zélande. Elle aussi possède un parfum très prononcé et un rapport équilibré entre le sucré et l’acide. Elle reste bien ferme à la cuisson et au four. Autre atout: elle ne s’oxyde pas rapidement. Convient bien pour les gâteaux, strudels, compotes et tartes.
Mise à jour: 3 novembre 2020
Texte: Alexandra M. Rückert
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